Tour de France
Cette année, Marc a décidé de profiter de la vie et de faire le tour de France, seul avec son van. Une étape dans chaque département, une date de départ mais pas de prévisions pour l'arrivée. Il n'a que 36 ans mais déjà il ressent cette urgence de vivre, l'impression qu'il pourrait rater le coche et passer à côté de sa vie. L'impression que c'est maintenant qu'il faut vivre, sans tirer de plans, sans se soucier d'une quelconque situation. Marc a tout plaqué pour avoir le temps de faire ce qui lui plaît. Il ne sait pas pour combien de temps il part, mais il s'en moque. Marc a le temps maintenant.
Finies les réunions sans fin où chacun parle sans écouter. Finis les matins les yeux collés et la tête oubliée sur l'oreiller. Finis les litres de café qui lui faisaient mal au ventre mais qu'il prenait pour rester réveillé. Aujourd'hui c'est le départ, Marc dit adieu à sa famille. Qui ne comprend pas très bien pourquoi il part. Il n'est pas sûr qu'en rentrant sa femme soit toujours là et que ses fils ne lui en voudront pas. Il ne sait pas quoi leur dire. Peut être qu'ils comprendront d'eux même. Ou pas. Mais Marc ne veut plus agir en fonction de ce que les autres attendent de lui. Même s'il s'agit de ses fils et qu'il en est responsable. Ce n'est pas qu'il ne les aime pas, non, loin de là. Mais il pense que par amour pour eux, justement, il doit vivre sa propre vie, pour qu'ils aient l'exemple de quelqu'un qui ne s'est pas laissé enfermer par amour. Pour qu'ils sachent qu'aimer sa famille ne signifie pas tout lui sacrifier.
Marc sait bien que ça ne les empêchera pas de lui en vouloir. Il sait aussi, au fond de lui, que ce tour de France n'est qu'un prétexte. Même s'il trouve dommage à son âge de ne pas connaître son pays, de n'avoir presque jamais voyagé, ce voyage là n'est qu'un prétexte. Il étouffe dans sa vie. Sa vie toute tracée. Sa vie parfaite. La vie qu'il a choisie pourtant. Il part donc. N'a pas prévu de rentrer. Il n'en sait rien en fait. Pourquoi se poser ces questions-là? Peut être que demain, il fera demi-tour, peut être que dans trois mois son foyer lui manquera. Peut être qu'il choisira une nouvelle vie. Il n'est pas trop tard en fait. Il a tout le temps. Il a tout son temps.